L'Allier a fait l'objet ces dernières décennies de nombreux aménagements pour exploiter ses richesses naturelles et se protéger de ses aléas. Il n'a heureusement pas subi comme sa sœur la Loire une politique irréversible d'endiguement, mais ces atteintes ont néanmoins profondément affecté son fonctionnement et ses milieux naturels. L'enfoncement du lit de l'Allier traduit un profond déséquilibre dynamique aux conséquences nombreuses.
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UN DESEQUILIBRE DYNAMIQUE : L'ENFONCEMENT DU LIT L'incision verticale du lit dans sa plaine alluviale est dans une certaine mesure un phénomène naturel. Mais les extractions d'alluvions, auxquelles s'ajoutent les effets des barrages et surtout des protections de berge, ont généré un important déficit de débit solide pour la rivière et ont ainsi gravement accentué l'incision de l'Allier, en faisant irrémédiablement pencher la balance dynamique (voir thème dynamique fluviale) vers l'érosion avec un déséquilibre permanent.
Les extractions d'alluvions piègent en effet le débit solide de la rivière provenant de l'amont, provoquant ainsi à l'aval un déficit à l'origine d'une érosion progressive du fond du lit. De plus, en créant une rupture de pente dans son profil en long, les fosses d'extraction génèrent également à l'amont de la dépression une érosion verticale régressive du fond du lit. Ce déficit de débit solide aurait pu être partiellement compensé par l'érosion latérale des berges, mais les nombreuses protections de berge ont limité cette érosion.
L'enfoncement du lit de l'Allier a été évalué en 50 ans à plus d'un mètre en moyenne avec un maximum de plus de 3 mètres. Localement, l'Allier à même atteint le substratum rocheux et a ainsi mis à jour des affleurements marneux.
DES CONSÉQUENCES NOMBREUSES L’une des plus graves conséquences de l'enfoncement du lit, tant pour la rivière que pour l’homme, est l’abaissement consécutif du niveau de la nappe alluviale et donc la réduction en quantité énorme de la ressource en eau. De nombreux captages ont dû de ce fait être approfondis, les bras morts se sont retrouvés déconnectés de la rivière,... L’incision a également fragilisé les ponts en découvrant leurs fondations. L'effondrement en 1978 du pont Wilson à Tours est dû à l'enfoncement de la Loire. Sur l'Allier, le pont Régemortes à Moulins a par exemple dû être consolidé.
L’enfoncement et le rétrécissement associé du lit ont provoqué sur les milieux annexes une réduction des contraintes hydro-dynamiques, entraînant le remplacement de la végétation alluviale par une végétation plus banale, l’installation de forêt sur des grèves jusqu’alors nues,… Cette dernière évolution a elle-même entraîné une réduction de la section d'écoulement du lit moyen qui, au sein des zones urbanisées, augmente le risque inondation.
LA RAREFACTION ET LA DEGRADATION DES MILIEUX NATURELS En plus des atteintes précédentes, une grande partie des milieux naturels a disparu et disparaît encore au profit des constructions, peupleraies et cultures intensives. Les forêts alluviales sont parfois rasées et remplacées par des plantations de peupliers hybrides, d'aucune valeur écologique et inefficaces pour le ralentissement des eaux d'inondation ou le maintien des berges. Les forêts riveraines qui étaient laissées par les agriculteurs en bordure immédiate de cours d'eau pour protéger les pacages de ses aléas (ralentissement des eaux de débordement, blocage des laisses de crues) ont été supprimées, entraînant des dommages réguliers sur des cultures beaucoup plus vulnérables. La transformation de forêts alluviales et de prairies naturelles en zones de cultures provoquent, outre l'apport de produits de traitement, d'engrais et les problèmes d'érosion des sols nus en hiver, la disparition des filtres naturels préservant la nappe alluviale. Le corridor fluvial formé par la rivière et ses milieux naturels se retrouve ainsi fortement réduit et même souvent discontinu. Parmi les milieux naturels subsistant, beaucoup voient leur qualité régresser à cause de la pollution des eaux. Ils sont également souvent entachés de sacs plastiques et autres déchets.
CONSÉQUENCES DES ATTEINTES HUMAINES SUR LE VAL D'ALLIER (dessins P. Coque, d'après CEPA, guide CHAMINA)
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